Le 26 avril dernier marque la Journée mondiale de la propriété intellectuelle, un événement annuel organisé par l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI).
En 2025, la musique est à l’honneur sous le thème “La propriété intellectuelle et la musique : au rythme de la propriété intellectuelle“.
Si l’initiative vise à célébrer la créativité et le rôle de la propriété intellectuelle (PI) dans le soutien aux artistes, elle intervient dans un contexte où la révolution numérique bouscule profondément les règles du jeu. Droit d’auteur, rémunération, création par intelligence artificielle : le monde de la musique se trouve à un moment charnière.
Le droit d’auteur, colonne vertébrale de l’industrie musicale
Depuis des décennies, la propriété intellectuelle constitue la pierre angulaire de l’économie musicale.
Les droits d’auteur protègent les œuvres originales, garantissant aux créateurs une rémunération pour l’exploitation de leurs chansons, partitions ou interprétations. À cela s’ajoutent les droits voisins, qui reconnaissent également les contributions des producteurs et des artistes interprètes.
En chiffres, l’enjeu est majeur : selon l’OMPI, les secteurs culturels et créatifs génèrent plus de 3 % du PIB mondial, la musique représentant une part significative de cette contribution.
Pourtant, la protection juridique reste souvent fragile. La numérisation a facilité la copie, la modification et la diffusion d’œuvres musicales sans autorisation, mettant sous pression les modèles traditionnels de rémunération.
De plus, l’explosion du streaming a profondément transformé la chaîne de valeur : si l’accès à la musique est devenu quasi illimité pour les utilisateurs, les revenus reversés aux créateurs restent faibles, souvent répartis de manière inégale entre plateformes, maisons de disques et artistes.
La Journée mondiale de la PI 2025 rappelle ainsi que sans un cadre de protection solide, l’écosystème musical pourrait s’appauvrir, pénalisant en premier lieu les artistes émergents et les acteurs indépendants.
Le numérique et l’IA : vers une redéfinition des frontières de la création
Au-delà du streaming, l’irruption de l’intelligence artificielle dans le processus créatif redessine encore davantage les enjeux.
Des plateformes d’IA générative comme Suno ou Udio permettent aujourd’hui de produire des chansons entières en quelques secondes, parfois difficilement distinguables des œuvres humaines.
Face à ce phénomène, plusieurs questions complexes émergent :
- Qui est titulaire des droits sur une œuvre générée par une IA ?
- L’utilisation d’œuvres existantes pour entraîner des IA constitue-t-elle une violation des droits d’auteur ?
- Faut-il reconnaître à une machine la qualité de créateur ?
À ce jour, les réponses juridiques varient selon les juridictions. Aux États-Unis, les autorités ont affirmé qu’une œuvre sans contribution humaine significative ne pouvait pas prétendre au bénéfice du droit d’auteur.
En Europe, le débat est ouvert, et la Commission travaille sur des ajustements réglementaires liés à l’usage de contenus protégés pour l’entraînement des IA.
Au-delà des problématiques juridiques, c’est aussi l’équilibre économique du secteur qui est en jeu. Si la création assistée par IA devenait massive, certains craignent une standardisation de la production musicale, un appauvrissement de la diversité culturelle, et une captation accrue des revenus par les grandes plateformes technologiques.
La Journée mondiale de la propriété intellectuelle est donc l’occasion de souligner l’urgence d’adapter les cadres existants aux mutations en cours.
Protéger les créateurs ne signifie pas freiner l’innovation, mais trouver un nouvel équilibre entre droit à l’innovation, respect des œuvres et juste rémunération.
La Journée mondiale de la propriété intellectuelle 2025 offre un rappel salutaire : la musique ne peut s’épanouir sans protection juridique adaptée aux nouveaux défis.
À l’heure où le numérique rebat les cartes, où l’IA s’invite dans les processus de création, et où les flux financiers se concentrent sur quelques plateformes globales, la défense du droit d’auteur apparaît plus que jamais essentielle.
Les artistes, producteurs, éditeurs et plateformes doivent anticiper ces évolutions en sécurisant leurs droits et en participant aux débats sur les nouvelles normes.
Les politiques publiques, quant à elles, doivent veiller à préserver un écosystème musical dynamique et équitable, capable de soutenir l’émergence de nouveaux talents à l’échelle mondiale.
Le défi posé à la propriété intellectuelle dépasse largement la musique : il interroge notre capacité collective à réconcilier innovation technologique et justice culturelle.
Le chantier ne fait que commencer.