PiActu : Me Clara Viguié vous allez définir comment caractériser l’originalité d’une œuvre à travers plusieurs décisions de justice. Pourriez-vous commencer par la première avec l’affaire Spectral ?
Me Clara Viguié : Avant d’évoquer cette affaire, donc, je souhaiterais juste rappeler un petit peu le contexte général pour la présentation des différentes affaires. Il m’a paru intéressant dans le cadre de ce webinar de nous plonger sur cette notion de d’originalité en matière de droits d’auteur parce qu’aujourd’hui, les tribunaux ont tendance à apprécier avec de plus en plus de rigueur, ça fait déjà depuis quelques années, cette notion d’originalité, et l’appréciation de cette originalité est essentielle pour pouvoir prétendre à des droits d’auteur et ainsi agir en contrefaçon de ces droits d’auteur, si jamais on est effectivement victimes d’actes de contrefaçon. Et j’effectue donc très régulièrement des veilles juridiques, jurisprudentielles et j’ai identifié que quelque soient les créations qui sont prises en considération, il y a tout un tas d’éléments qui sont examinés par les tribunaux pour caractériser justement cette originalité. Et donc aujourd’hui, dans le cadre de ce de ce webinar, j’ai voulu donc extraire 3 décisions, la première, dont on qui va être évoquée, qui porte sur la typographie, et également 2 autres pour finalement par la suite, extraire des éléments clés pour caractériser cette originalité.
Donc par rapport à la première décision, donc qui porte sur la typographie, c’était une décision qui m’a paru intéressante. C’est une décision qui a été rendue par le tribunal judiciaire (qui n’est pas en principe définitive puisqu’un appel peut éventuellement avoir été initié auprès de la Cour d’appel) mais c’est une décision qui est intéressante parce qu’elle portait sur l’appréciation de l’originalité d’une typographie, donc de lettres qui avaient été écrites par donc une personne qui est extrêmement connue, un typographe français de renommée, qui était notamment connu pour avoir réalisé sur commande la typographie du journal Le Monde, et en l’espèce, il avait agi en contrefaçon à l’encontre de l’un de ses anciens collaborateurs, qui est également un typographe professionnel de renommée, au motif que cet ancien collaborateur avait réalisé une typographie, la typographie Spectrale, qui lui avait été commandé par la société Google pour être intégré au service Google Front. Et donc dans cette espèce les tribunaux se sont attardés sur l’appréciation de l’originalité de la typographie en question, qui était revendiquée par le typographe pour savoir si effectivement la seconde typographie était de nature à porter atteinte aux droits d’auteur de ce typographe.
Il s’agit d’une des premières décisions qui aurait été rendu en la matière puisqu’auparavant, on avait toujours plus ou moins des décisions qui portaient plutôt sur un typographe qui agissaient à l’encontre de personnes qui pouvaient éventuellement reproduire sans autorisation sa typographie, et non pas à l’encontre d’un autre typographe qui aurait réalisé une typographie sur commande, et donc apprécier dans quelle mesure cette typographie seconde reprendra les caractéristiques originales de la première typographie.
Et là, en l’espèce, les tribunaux ont admis que la typographie en question est bien originale. Ils ont effectivement reconnu que le demandeur, le typographe qui avait agi en en contrefaçon, parvenait à caractériser l’originalité de la typographie en question qui se caractérisait au regard d’éléments assez techniques en matière de typographie : « de graisse d’empattement, d’une goutte, du glif », et cetera. Et donc ils ont admis ici, en l’espèce, qu’il arrivait à justifier des efforts créatifs qui avait été entrepris pour réaliser cette typographie.
Par rapport à cette décision, je vous ferai part de mon analyse par la suite, à la fin justement de cette partie sur l’appréciation de l’originalité, parce qu’il y a des éléments qui sont intéressants justement sur la caractérisation de cette originalité. Donc là, c’est une décision qui est plutôt favorable au regard typographe, qui avait effectivement admis que cette typographie portait l’empreinte de la personnalité de son auteur.
PiActu : Pouvez vous revenir maintenant sur la décision Habitat / Lalique ?
CV : La seconde décision est une décision qu’on peut qualifier de « saga judiciaire » parce que c’était une décision qui a été rendue par la Cour d’appel sur renvoi après que que la Cour de cassation se soit prononcée et ait cassé un précédent arrêt d’appel. C’était une décision qui opposait Lalique à Habitat au regard de verres, et plus précisément de la tige d’un verre, et donc c’était les verre qui faisaient partie de la collection « sans point », donc c’était les verres qui étaient revendiquée par Lalique qui incriminait à l’encontre d’habitat notamment des actes de contrefaçon de droits d’auteur et de dessins et modèles à la suite de la commercialisation de verres qui étaient référencés sous le la référence Glisse. Et là dans cette décision donc je m’attarde uniquement sur la partie contrefaçon de droit d’auteur.
Ce qui est assez intéressant c’est que Lalique a été déboutée de ces demandes qui étaient fondées sur le droit d’auteur au motif que l’originalité des tiges (on se fondait vraiment sur la tige du verre et non pas le verre à proprement parler, qui était revendiqué) n’était pas suffisamment caractérisée. Pourquoi ? Parce que la Cour a reproché à Habitat de s’être « contenté » uniquement de procéder à une simple description des caractéristiques de la tige du verre, sans démontrer en quoi ces caractéristiques portaient l’empreinte de la personnalité de leur auteur et en quoi ces caractéristiques traduisaient des efforts créatifs et donc susceptibles de caractériser en ce sens une certaine originalité.
Ce qui est également intéressant dans cette dans cette affaire, c’est que la Cour a relevé que la tige du verre qui était revendiquée était revêtue de strie verticale et la société Lalique n’a pas revendiqué la présence de ces stries sur cette tige. La Cour s’étonne du fait que ces stries qui pourtant confèrent à la tige de ce verre une certaine impression qui pourrait être originale, a relevé, donc, de ces strings n’étaient pas revendiqués et elle souligne que finalement, ces strings n’ont pas été revendiqués parce que elles n’apparaissent pas sur les verres qui sont incriminés, donc les verres Habitat. Et lorsque l’on procède à une analyse de la contrefaçon, on se fonde uniquement sur la combinaison des caractéristiques originales qui sont revendiquées par le demandeur, et on apprécie si cette combinaison de caractéristiques originales est reproduite sur les produits qui sont incriminés.
Et donc là, dans la mesure où cette strie ne se retrouvait pas sur les produits Habitats, c’est peut-être sciemment que la société de Lalique n’avait pas revendiqué ses stries pour justement qu’on ne puisse pas lui opposer le fait que cette caractéristique originale ne se retrouve pas sur le verre Habitat. Mais quoi qu’il en soit, par rapport à l’originalité de la tige de son verre, alors même qu’il pouvait s’agir de verre qui ont bénéficié d’une certaine notoriété, d’un certain succès commercial, l’originalité n’a pas suffisamment été caractérisée parce qu’elle a été décrite uniquement de manière objective, sans que les considérations subjectives qui sont propres à l’auteur lorsqu’il définit en quoi ses caractéristiques étaient propres à son auteur.
PiActu : On change d’univers maintenant pour aller dans celui des influenceurs. Une décision a été particulièrement marquante à ce sujet. Que pouvez-vous nous dire dessus ?
CV : Par rapport à cette affaire, il s’agissait effectivement d’une influenceuse qui a pour habitude, dans le cas des réseaux sociaux, de se prendre en selfie dans un ascenseur pour présenter ses tenues accompagné de son chien. Et elle avait agi en contrefaçon de ses droits d’auteur et puis également en concurrence déloyale et parasitaire à l’encontre d’une marque de mode au motif que dans le cadre d’une campagne de mode, cette marque avait reproduit sur l’un des visuels de la campagne l’un de ces selfies. On identifiait une mannequin qui se prenait en selfie dans un ascenseur accompagné de son chien. Et donc l’influenceuse revendiquait des droits d’auteur sur la photographie en question donc, dont elle incriminait justement sa reproduction de manière illicite.
Et elle a été déboutée de ces demandes au motif que l’originalité de sa photographie n’a pas été démontrée et que sa photographie ne pouvait être protégée par un droit d’auteur.
Pourquoi cette originalité n’a pas été rapportée ? Parce que l’influenceuse en question décrivait les caractéristiques de cette photographie, donc le fait de se prendre en photo dans un ascenseur, en selfie, accompagné de son chien. Elle décrivait également les choix qui avaient été adoptés au regard de l’angle de vue, de la prise de vue, des lumières, des contrastes, et cetera. Pour autant, les tribunaux ont considéré que finalement, elle ne témoignait pas, ne justifiait pas suffisamment d’un apport créatif de sa part, que les choix qui étaient adoptés, finalement, ne relevaient pas de ses propres choix. Les tribunaux relèvent par exemple, s’agissant de la lumière, qu’il s’agit finalement peut-être uniquement de la lumière artificielle de l’ascenseur et non pas de choix qui aurait été pris en considération par elle, en amont pour conférer justement cette originalité à sa photo. Et également, les tribunaux ont relevé que finalement, le fait de se prendre comme ça en selfie dans un ascenseur, accompagné en tout cas d’un animal de compagnie, qui avait déjà été utilisé par d’autres influenceurs et que ça relève également finalement d’une thématique ou d’un concept, et donc l’influenceuse en question ne pouvait pas s’approprier ce concept même de se prendre en selfie. Parce que pour démontrer justement que sa photographie bénéficiait d’une certaine originalité, l’influenceuse soulignait le fait qu’elle était connue par sa communauté pour les démarches qu’elle avait entreprises depuis quelques temps déjà, visant à se présenter de manière régulière dans son ascenseur avec ses selfies. Et donc ça, les tribunaux distinguent bien le fait de revendiquer les droits d’auteur sur une création à proprement parler, qui est la photographie, versus revendiquer finalement des droits sur un concept qui est plus général, de se prendre en selfie dans un ascenseur, accompagné d’un animal de compagnie.
PiActu : La concurrence déloyale et parasitaire n’a pas été retenue, n’est ce pas ?
CV : Sur le fondement de la concurrence déloyale et parasitaire, elle a été déboutée de ces demandes par la Cour au motif que ce qu’elle reprochait à la société adverse, c’est d’avoir repris en tout cas la position qu’elle avait dans le cadre de la photo, et finalement de s’être inspirée de cette photographie. Et dans la mesure où la Cour admis que la photographie n’était pas originale, que les choix créatifs qui a été entrepris relevaient plutôt d’un concept ou d’une idée. Cet argument est transposable aussi au regard de la concurrence déloyale et parasitaire. La société adverse ne faisait que s’inscrire dans les tendances du secteur qui est de se présenter dans un ascenseur, se prendre en selfie dans un ascenseur, associé éventuellement d’un animal de compagnie. Dans les antériorités, cette société, en défense, avait produit des photographies qui étaient prises par d’autres influenceurs qui eux-mêmes aussi se présentaient sous la forme de selfie dans un ascenseur.
Et par rapport également à cette concurrence déloyale et parasitaire, il y a un élément aussi qui est intéressant. c’est que l’influenceuse en question mettait en avant le fait que sa communauté avait admis que la photographie qui était incriminée se rapprochait effectivement de la photographie qu’elle revendiquait, et donc que cela caractérisait bien qu’il pouvait y avoir un risque de confusion entre les photos. Et là la Cour relève que finalement sa communauté a identifié ce point-là après que l’influenceuse lui a souligné le fait que ces photos auraient été plagiés par une marque. Ce n’est donc pas spontanément qu’elle a reçu des messages de la part de sa communauté qui pourrait caractériser l’existence d’un risque de confusion mais c’est uniquement après, lorsqu’elle a mis en comparaison sa propre photographie avec la photographie qui était incriminée.
PiActu : Maintenant nous allons traverser l’atlantique avec cette décision Wharol, pouvez-vous nous présenter cette décision ?
CV : Par rapport à cette affaire, ce qui est intéressant moins par rapport à l’originalité de l’œuvre, on est plutôt sur l’appréciation des actes de contrefaçon qui étaient incriminés à l’encontre de la Fondation Warhol. En l’espèce, c’est une décision qui a été rendue par la Cour suprême des États-Unis. C’était une photographe, Lynn Goldsmith, qui a agi contre la Fondation Andy Warhol parce que précédemment elle avait accordé au magazine Vanity Fair une licence qui portait sur l’utilisation d’une photo qu’elle avait prise de Prince à l’origine, avant qu’il devienne l’artiste qu’il a été par la suite, et dans le cadre de cette licence qui était accordée à Vanity Fair elle portait sur une adaptation qui était faite par sa photo par Andy Warhol, une adaptation qui était réalisée de sa photo sous la forme d’une sérigraphique.
Et par la suite, Andy Warhol a décliné cette adaptation sous la forme de de plusieurs portraits sérigraphiés de Prince qui étaient coloriés de différentes couleurs, un peu à la manière des portraits que l’on connaît tous de Marilyn Monroe. Et plusieurs années par la suite, lors du décès de prince, Vanity Fair a souhaité faire une édition spéciale en hommage à cet artiste. Et ils ont reproduit en couverture de leur magazine, l’une des sérigraphies, qui avait été réalisée par Andie Warhol de Prince, mais qui ne correspondait pas à la sérigraphie originale telle qu’elle avait été consentie par la photographe. Et donc la photographe a agi en contrefaçon de ses droits d’auteur à l’encontre de la Fondation Warhol, au motif que la reproduction de cette sérigraphie portait atteinte à ses droits d’auteur parce qu’elle n’avait jamais consenti pour que sa photo soit adaptée de cette manière.
Et en défense, la Fondation Andy Warhol s’est prévalue de la notion de Fair Use, telle qu’elle existe aux États-Unis pour faire valoir le fait que finalement (ici on pourra assimiler ça à mon sens à de la liberté d’expression, la liberté de création) que ça relevait de la liberté créative de l’artiste.
Mais la Cour suprême a considéré qu’en l’espèce, que la contrefaçon était effectivement caractérisée parce que notamment la sérigraphie litigieuse ne se distinguait pas suffisamment de la photographie d’origine, et que ces 2 créations poursuivent le même but (reproduire Prince) et que l’utilisation incriminée avait une nature commerciale et que finalement les pratiques qui avaient été réalisées par la Fondation Andy Warhol ne pouvaient pas rentrer dans le champ de l’exception du Fair Use.
Avec cette décision, on peut faire une transposition en droit français, avec plusieurs décisions.
Je pensais notamment donc à la décision que l’on peut voir que l’on va aborder juste après qui portait sur une œuvre qui a été réalisée par Jeff Koons. Cette décision s’appelle Naked. Jeff Koons s’est déjà fait condamner à plusieurs reprises mais là en l’espèce c’était par la Cour d’appel de Paris en 2019.
Et là, en l’espèce, c’était les ayants droit d’une photographe qui avait agi en contrefaçon des droits d’auteur de cette photographe à l’encontre de Jeff Koons, au motif que cette création, cette sculpture de Jeff Koons, portait atteinte au droit d’auteur que détenait la photographe sur sa photographie originale, qui reproduisait également 2 enfants nus. Il s’agissait d’une photographie qui n’a jamais été commercialisée, mais c’est une photographie en noir et blanc sur laquelle on voyait ces enfants qui adoptaient la même posture. Il n’y avait pas de fleurs en bas, des adaptations ont été réalisées par Jeff Koons, mais en tout cas, la combinaison des caractéristiques originales de cette photographie, se retrouver sur cette sculpture.
Et là, en l’espèce, la Cour d’appel a admis parfaitement l’originalité de la photographie en cause selon un attendu qui est particulièrement long, donc, à la lumière justement des choix créatifs qui avaient entrepris par la photographe pour conférer justement cette originalité. Et ils ont reconnu que la combinaison des caractéristiques qui confèrent donc cette originalité à la photo avait bien été reproduite par Jeff Koons.
Et en défense, Jeff Koons se prévalait donc cette liberté de sa liberté d’expression, sa liberté de création, mais également d’exception de parodie, et les arguments en défense de Jeff Koons n’ont pas été reçus par la Cour d’appel qui a considéré qu’il y avait bien atteinte au droit d’auteur de la photographe en question.
PiActu : La question de l’originalité de l’oeuvre s’est posée aussi en matière de photographique de plateau de cinéma. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet ?
CV : Cette décision m’a paru intéressante, toujours dans le cadre de l’appréciation, et je vais le revoir par la suite pour savoir comment apprécier finalement l’originalité d’une création.
Cette décision, elle suit un peu un courant jurisprudentiel et il y avait déjà eu d’autres décisions sur cette thématique, sur cette notion de scènes, de plateaux. Des scènes de plateaux, c’est quoi ? Les photographies qui sont prises par un photographe de scènes de plateau dans le cadre de tournages de films. Et là, en l’espèce, il s’agissait du film Pierrot le fou de Jean-Luc Godard. Il y avait un photographe qui était présent lors des scènes de tournage et qui a pris certaines photos lors de la réalisation de ce film et qui incriminait une société qui avait reproduit sans autorisation les photos qu’il avait prises à l’époque, dans le cadre de la réalisation de ce film.
L’originalité des photos que ce photographe avait prises étaient débattues devant la Cour d’appel de Versailles, parce que lui revendiquait, bien entendu les droits d’auteur sur les photographies en question, et en défense, on arguait que ces photographies n’étaient pas originales.
La Cour d’appel de Versailles a suivi la position des défunts de la défenderesse au motif que finalement, même s’il s’agit d’un photographe, qui est apte à démontrer que, effectivement, il a entrepris certaines décisions quant à la production de la photo, aux lumières, à la prise de vue, et cetera, que finalement son apport créatif ne se distinguait pas suffisamment des choix créatifs qui avaient été entrepris par le réalisateur Jean Luc Godard de son film, et donc que finalement, dans le cadre de ces photographies, on retrouvait la pâte artistique du réalisateur Jean Luc Godard, et en d’autres termes que ces photographies ne se contentaient uniquement que de capter des images du film, mais donc finalement, les choix créatifs du photographe n’étaient pas propres à lui, mais relevait davantage des choix créatifs du réalisateur, qui lui-même avait défini des éléments visuels, des scènes de films et donc de facto qui étaient reproduites sur les photos.
PiAactu : À la lumière de ces différentes décisions, quelles recommandation pouvez-vous faire pour caractériser suffisamment l’originalité d’une oeuvre ?
CV : C’est pour cela que je voulais parler un petit peu des décisions précédentes, parce qu’à mon sens, les différents points, différentes choses qui peuvent être extraites de ces décisions pour nous permettre un peu de mieux comprendre comment l’originalité est aujourd’hui abordée par les juridictions.
Donc comme je disais tout à l’heure, les tribunaux apprécient avec de plus en plus de sévérité, malheureusement pour les créateurs, l’originalité des œuvres. Et d’ailleurs ça, ça a été entériné par la Cour de cassation à plusieurs reprises. Il y a différentes décisions de la Cour de cassation qui avaient cassé certaines décisions de la Cour d’appel au motif que l’originalité n’avait pas été suffisamment caractérisée, et ça a également été entériné par la décision les décisions de la Cour de justice de l’Union européenne, dont notamment l’arrêt Cofemel qui avait été rendu par la CJUE en matière d’appliqué.
Et donc en fait aujourd’hui, ce qu’on identifie de la part de la jurisprudence d’une manière générale, c’est que l’originalité déjà doit être caractérisée en 2 étapes. La première des choses à faire, c’est bien entendu la plus importante, c’est de caractériser les caractéristiques originales de l’œuvre que l’on revendique. C’est de dire de procéder à une description objective de l’œuvre à proprement parler en décrivant donc ses caractéristiques, et donc de définir la combinaison de ces caractéristiques, de dire typiquement si on reprend par exemple pour la première décision qui est porté sur la typographie, de définir que, la typographie en question, ses caractéristiques reposent sur la forme des lettres qui ont été adoptées, l’empattement de l’écriture, et cetera, c’est vraiment une simple description objective, et ces descriptions est fondamentale parce que c’est cette combinaison de caractéristiques qui va devoir se mettre retrouver sur l’œuvre et argué de contrefaçon.
Une fois que l’on a défini la combinaison de ces caractéristiques, on ne peut pas s’en arrêter là en disant simplement que, ces caractéristiques sont originales parce qu’elles comportent l’empreinte de la personnalité de son auteur, parce qu’elles témoignent de choix créatifs. Les tribunaux ont tendance à sanctionner les demandeurs qui se contentent uniquement de souligner ou de procéder, par voie d’affirmation ces éléments-là. Et ce qui était justement reproché dans nos 2 affaires qui portaient sur les verres Lalique mais également qui ont porté sur la photographie de l’influenceuse, c’est de ne pas aller au-delà dans le cadre de leur démonstration. Et effectivement, une fois qu’on a caractérisé ces caractéristiques originales, de décrire avec précision en quoi ces caractéristiques témoignent de choix créatifs, et donc de se mettre à la place de l’auteur et non pas à la place du spectateur ou du consommateur, de se mettre vraiment à la place de l’auteur et d’expliciter pourquoi l’auteur a voulu adopter ses choix créatifs, a voulu créer sa création de telle et telle manière, et cetera.
Donc ça c’est vraiment un raisonnement qui est extrêmement important qui doit vraiment être réalisé en 2 étapes avec d’une part les caractéristiques objectives de la création, mais d’autre part une description qui est purement subjective et qui est réalisée à la lumière de l’auteur à proprement parler, et non pas à la lumière de nous, internautes, spectateurs ou consommateurs. Ça c’est la première chose.
La seconde chose est un rappel. L’originalité ne s’apprécie pas à la lumière du mérite de l’œuvre, ou de l’auteur. C’est quelque chose qui avait été rappelé par dans notre affaire sur la typographie par le tribunal judiciaire de Paris, parce qu’alors l’auteur en question a bien caractérisé l’originalité de cette typographie, mais il mettait également en avant les travaux préparatoires qu’il avait réalisés pour concevoir cette typographie à proprement parler, le succès commercial de cette police d’écriture, et également sa propre renommée, et son prestige. Et ça, le tribunal souligne bien que l’ensemble de ces éléments sont inopérants pour caractériser l’originalité d’une œuvre. C’est également quelque chose aussi qui était souligné par Jeff Koons en défense au motif que la photographie qui lui était qui était revendiquée en l’espèce, n’avait pas fait l’objet d’un succès commercial puisqu’elle n’avait pas été commercialisée. Peu importe finalement la notion de mérite, la notion de prestige ou de succès commercial de l’œuvre qui est revendiquée. On ne se focalise ici que sur les choix créatifs entreprise par l’auteur pour réaliser sa propre création.
Et enfin, un autre point qui est important, c’est la notion création à proprement parler, c’est à dire de savoir de quoi on parle. Il y a plusieurs décisions de la Cour de cassation qui avaient été rendues sur ce point, notamment ce que l’on revendique plusieurs créations. Il est important de caractériser l’originalité de chacune des créations. On ne peut pas se contenter uniquement de caractériser de manière générale l’originalité de tout un tas de créations au motif que ces créations traduisent des choix créatifs qui portent l’empreinte de la personnalité de leur auteur, parce qu’elles s’inscrivent dans le même univers, il faut vraiment faire l’effort de caractériser l’originalité de chaque création, séparément. Dans le cadre par exemple de ces décisions qui est portée sur la photographie de l’influenceuse, elle mettait en avant le fait qu’elle était connue pour les démarches qu’elle entreprenait de se mettre en avant, de de se prendre en selfie dans le cadre de cet ascenseur. Et ça la Cour souligne bien qu’il faut qu’elle prenne l’initiative de bien caractériser la photographie qui est incriminée en l’espèce, et qu’elle ne peut pas se prévaloir d’un concept plus général ou d’une patte artistique plus générale qui attrait à l’ensemble du contenu qu’elle réalise.